« Le Problème à trois corps » (titre original : 三体) est un roman de science-fiction de l’écrivain chinois Liu Cixin. Ce premier tome d’une trilogie a remporté le prix Hugo en 2015, devenant le premier roman chinois à obtenir cette distinction.
Liu Cixin (prononciation : Liou Ts’eu-sin) est né le 23 juin 1963 à Beijing et a grandi à Yangquan, dans la province du Shanxi. Il est diplômé de l’Université de la conservation de l’eau et de l’énergie électrique de la Chine du Nord en 1988. Avant de se consacrer à l’écriture, il a travaillé comme ingénieur informaticien dans une centrale électrique à Yangquan.
Cette formation technique influence son approche de la science-fiction. Liu Cixin a remporté neuf fois le Science Fiction Galaxy Award Chinois, le prix de science-fiction le plus reconnu en Chine. Il est considéré comme le premier auteur cyberpunk chinois avec son roman « Chine 2185 » publié en 1989.
L’intrigue
L’histoire débute pendant la Révolution culturelle. Le gouvernement chinois construit la base militaire secrète de Côte Rouge, officiellement destinée à développer une arme militaire. Ye Wenjie, une astrophysicienne en cours de « rééducation », rejoint l’équipe de recherche et découvre que la véritable mission consiste à établir un contact avec d’éventuelles civilisations extraterrestres.
Trente-huit ans plus tard, une vague de suicides touche la communauté scientifique internationale. Wang Miao, chercheur en nanotechnologies, observe des phénomènes inexpliqués. Ces événements semblent liés à un jeu vidéo mystérieux : le jeu des Trois Corps. Le jeu présente un monde où alternent des ères chaotiques et des ères régulières, selon des cycles imprévisibles du lever et coucher du soleil. Wang Miao finit par comprendre que cette planète virtuelle orbite autour de trois soleils, dont les mouvements gravitationnels complexes créent cette instabilité climatique.
Le roman examine les conséquences de la destruction environnementale et critique certains aspects de la Révolution culturelle chinoise. Liu Cixin intègre des concepts de physique moderne dans sa narration tout en maintenant l’accessibilité du récit. « Le Problème à trois corps » appartient au sous-genre de la science-fiction hard (ou hard science-fiction). Cette catégorie se caractérise par un respect strict des lois scientifiques connues et une utilisation rigoureuse des concepts physiques, mathématiques ou techniques. Contrairement à la science-fiction plus spéculative, la SF hard s’appuie sur des bases scientifiques solides et évite les éléments fantastiques non expliqués. Liu Cixin, fort de sa formation d’ingénieur, maîtrise particulièrement cette approche en intégrant des théories astrophysiques réelles dans sa narration.
Tencent Video produit une adaptation pour le public chinois. Netflix réalise une version internationale en 2024, avec David Benioff et D.B. Weiss, les créateurs de Game of Thrones, comme producteurs.
La trilogie se poursuit avec « La Forêt sombre » et « La Mort immortelle ». Ces trois volumes forment un cycle complet explorant les thèmes du contact extraterrestre et de l’évolution de l’humanité.
Informations pratiques
Titre original : 三体 (sān tǐ)
Traducteur français : Gwennaël Gaffric
Éditeur français : Actes Sud, collection Exofictions
Première publication française : 2016
Prix : Hugo du meilleur roman 2015
Traduction française
Gwennaël Gaffric traduit l’œuvre en français, publiée par Actes Sud en 2016. Le roman est sélectionné pour le grand prix de l’Imaginaire 2017.
Un extrait du livre
« Aux confins de la ville, sur le terrain de sport d’une université, une séance de critique publique à laquelle assistaient plusieurs milliers de personnes avait commencé depuis plus de deux heures. En ces temps où coexistaient de multiples factions, des conflits complexes éclataient partout entre différents groupes obéissants. Rien que sur le campus, des hostilités brutales opposaient gardes rouges, membres du Groupe de travail de la Révolution culturelle, miliciens de la brigade de propagande des travailleurs ou de la brigade de propagande des soldats. Chaque groupe finissait souvent par imploser et donnait naissance à de nouvelles coalitions internes qui revendiquaient chacune des principes et des programmes uniques.
Liu Cixin – « Le Problème à trois corps »
Leurs antagonismes déchaînaient des actes d’une cruauté plus infâme encore. Ils partageaient pourtant un ennemi commun : l’Autorité académique réactionnaire, si bien que les malheureux qu’on disait appartenir à cette tendance devaient endurer des attaques féroces provenant de tous côtés.
Les membres de l’Autorité académique réactionnaire présentaient une particularité qui les distinguait des autres adversaires malfaisants de la révolution. Lorsqu’ils étaient attaqués, leur première réaction était de répondre avec orgueil et ténacité, mais c’était cette attitude qui leur valait le plus d’exécutions. Rien que dans la capitale, en l’espace de quarante jours seulement, plus de mille sept cents personnes furent battues à mort au cours de séances de critique publique. Pour échapper à cette folie, beaucoup d’entre eux choisirent une voie plus rapide : Lao She, Wu Han, Jian Bozou, Fu Lei, Zhao Jiuzhang, Yi Qun, Wen Jie, Hai Mo et tant d’autres décidèrent de mettre eux-mêmes un terme à des vies autrefois très estimées.
Ceux qui avaient survécu à cette étape devenaient progressivement insensibles aux coups répétés de la fureur révolutionnaire ; c’était comme s’ils avaient développé une carapace spirituelle qui les protégeait d’un effondrement final. Des séances de critique publique, ils plongeaient dans un état de demi-sommeil que seules les menaces vociférées à leur encontre étaient à même de rompre. Cet état métamorphosait un nombre incalculable de fois les mêmes aveux. Puis, le moment venait pour certains d’entre eux de passer à la deuxième étape : après une séance de critique ayant duré jusqu’au soir, la glorieuse idéologie politique de la révolution se déversait comme du mercure dans leur conscience, ébranlant les fondations d’un édifice intellectuel jadis façonné par le savoir et la raison. »
« Les gardes rouges qui escortaient Ye Zhetai étaient deux fois plus nombreux que d’habitude : ils étaient six, deux garçons et quatre filles. Les garçons marchaient d’un pas sévère, leur apparence était celle de jeunes bolcheviks aguerris. Tous deux étaient en quatrième année de licence de sciences physiques, mention ‘physique théorique’, et par ailleurs anciens étudiants de Ye Zhetai. Les filles, beaucoup plus jeunes, étaient élèves de deuxième année du lycée affilié à l’université. Ces petites combattantes vêtues d’un uniforme de l’énergie bouillonnante propre à l’adolescence. On aurait dit quatre braseros verts encerclant Ye Zhetai. »
« — Camarade Ye Zhetai, vous êtes expert en sciences mécaniques, vous devez bien vous rendre compte que la force unie contre laquelle vous résistez est si puissante que si vous continuez à vous obstiner, elle vous conduira à la mort ! Nous allons aujourd’hui reprendre la séance là où nous nous étions arrêtés la dernière fois. Ne perdons pas de temps en palabres. Professeur Ye, répondez à la question suivante : de 1962 à 1965, lors de vos cours d’introduction à la physique, avez-vous, oui ou non, répandu sans permission un grand nombre d’informations sur la théorie de la relativité ? »
« — La théorie de la relativité est un principe de base des sciences physiques, comment pourrais-je ne pas en avoir parlé durant mes cours de physique fondamentale ? répondit Ye Zhetai.
— Menteur ! hurla une jeune garde rouge à côté de lui. Einstein était un représentant de l’Autorité académique réactionnaire ! Et, comme les mauvais esprits se rencontrent, il est parti fabriquer la bombe atomique pour les impérialistes américains ! Si nous voulons fonder une science véritablement révolutionnaire, il nous faut d’abord mettre à bas le pavillon noir de la théorie de la relativité qui représente les intérêts de la classe bourgeoise ! »
l’Univers à portée de main
Christophe Galfard –

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